Soël "Wild Dream" Briche: Le labyrinthe aqueux

Soël "Wild Dream" Briche: Das wässrige Labyrinth

La pêche de la carpe possède bien des visages. Que ce soit par les manières de la pratiquer ou par la diversité des terrains de jeu praticables, la lassitude ne semble pas pouvoir se frayer un chemin dans cette pratique aussi complète que fascinante. 

Pourtant chaque année des centaines de carpistes raccrochent les cannes et vendent tout leur matos sur internet. Il y a probablement autant de raisons que de profils à cette causalité, cependant l’une d’entre elles ressort assez souvent : La baisse d'intensité.

J’en ai moi même fait les frais à plusieurs reprises et c’est effectivement un sentiment amer dont il est parfois difficile de se débarrasser. C’est pour celà que j’essaye, tant bien que mal, de contrecarrer ce phénomène en glissant un maximum de diversité dans mon “programme pêche” année après année.

Mon ennemi numéro un est là monotonie. Fort heureusement il existe des moyens pour casser ce rythme vicieux.

Comme je l’expliquais récemment dans les colonnes de média carpe, je suis avant tout passionné par les grands espaces libres et sauvages mais ce n’est pas pour autant que j’en deviens obtu et ne jure que par ce profil d’eau. Mon principal carburant étant le mystère, j’ai la chance de prendre autant de plaisir à traquer les carpes dans un 5000 hectares + que dans une petite rivière ou un petit plan d’eau. La règle la plus importante étant que je ne sache pas ce qui nage dedans. Fort heureusement, des eaux intimistes il en reste un paquet à travers l'Europe et pas mal d'entre elles ne sont que rarement prises au sérieux.

 

Chaque année j’essaye de consacrer un peu de temps à traquer ces trésors oubliés qui sont parfois en bas de chez toi, juste sous ton nez.

Il y a de ça quelques années j’ai rouvert un puzzle que j'avais fermé il y a bien longtemps. 

Ici il n’y a rien d'impressionnant, rien de grandiose, rien de spectaculaire. Ici tout se joue sur les détails.

Quelques milliers d’hectares divisés en presque autant d'unités…. Une sorte de paradis pour celui qui est animé par la diversité.

J’ai toujours été fasciné par ce genre de labyrinthe, ça me rappelle mon enfance, la sologne et ses centaines de casse-têtes tous plus mystérieux les uns que les autres.


Cette année je n’ai qu'une grosse semaine pour tenter de séduire quelques dames du quartier donc je dois impérativement contenir mes envies et ne surtout pas m’éparpiller.

Je décide donc de me concentrer sur les portions oubliées du secteur, 2 à 3 biefs maximum, étant donné que très peu sont accessibles en voiture, cette cinquantaine de km de berges devrait être suffisante pour m’occuper.

Les principales contraintes ici sont: la difficulté d’accès à l’eau, des poissons très peu démonstratifs, un cheptel assez pauvre en carpe et une quantité de nourriture naturelle assez importante et assez qualitative pour rendre les poissons lunatiques à la consommation d'appâts exogènes.

Le plan d’attaque est donc simple et ressemble fortement à ce que j’ai l’habitude d’appliquer.

Le premier tiers de la semaine est consacré à la prospection des différents accès à l’eau, la sélection de différents postes, l’observation et le sondage de ceux-ci ainsi que la préparation des appâts (quantités, nappage etc..) 

Le second tiers est consacré à l'amorçage de différentes zones, l’observation de celles-ci mais également à quelques pêches rapides sur des spots non retenus dans la série des postes amorcés. 

Enfin le dernier tiers consiste à pêcher les postes préparés sur de petites fenêtres de tir en essayant de me rapprocher au maximum des heures présumées de passage de poissons.

En général, ce genre de plan d’attaque garantit une semaine riche en activités diverses. 

Une sorte de cocktail sur vitaminé pour casser les codes de cette pêche statique souvent stéréotypée. 

Lorsque les planètes s’alignent, ce genre de “game plan” promet un finish explosif laissant un gros sentiment de “reviens-y” au moment du départ.

Cette année les conditions de prospection sont délicates, il y a beaucoup de vent, l’eau est assez trouble et le soleil ne perce que rarement la couche nuageuse. En revanche les pressions atmosphériques sont bonnes, la phase lunaire aussi et nous sommes en pleine période de transition entre un été à rallonge et un hiver qui semble arriver d’un seul coup. 

Une légère pression s’installe car je sens bien qu’il y a une bonne pêche à faire à condition de trouver les poissons ce qui semble s’annoncer encore plus délicat que d’habitude.



En effet, les premiers jours sont très décevants en termes d’observation. Quelques petits poissons aperçus à la sortie d’un affluent plus clair, quelques fouilles par ci par là mais rien de bien concluant. La sélection des postes se fait donc au feeling et je sais très bien qu’au vu de la faible clarté de l’eau je n’aurais aucun moyen de vérifier si les amorçages vont disparaître ou non.

Je retiens 4 postes sur 3 biefs. Trois que j’amorce copieusement à heure variable de manière à couvrir une large amplitude du jour et de la nuit au cas où les indésirables décideraient de braquer mes spots, et un autre que j’amorce légèrement à heure fixe chaque jour dans le but d’une pêche rapide de journée.

Les petites pêches rapides entre les amorçages ne me rapportent rien ou presque, je décide alors de faire une nuit sur un des postes amorcés dans un grand virage. La raison est simple, je n’ai pas assez d'appâts pour maintenir ce rythme d’amorçage jusqu'à la fin et ce poste étant un poste de passage pur, j’ai besoin de savoir si mes appâts ont déjà intéressé quelques poissons car dans le cas contraire je réserverais mes munitions pour un autre secteur.

La nuit est encourageante car elle me rapporte trois poissons sur les deux extrémités de l’amorçage ; Deux communes d’une douzaine de kilos et une miroire un peu plus solide.



Je garde donc ce poste dans ma liste, le ré alimente avec une dizaine de kilos de billes de 24mm et prévoit d’y passer la dernière nuit.

Une fois le tour des autres postes effectué je décide de faire la nuit sur le poste qui me chauffe le plus. L’année passée j’y avait croisé quelques grandes dames qui m'avaient donné du fil à retordre pour arriver à les faire mordre. 

Ça fait déjà trois jours que des appâts tombent régulièrement dans le secteur et vu les conditions météo je me frotte les mains d’avance en m'installant. En gros, j’y crois à mort !

Moralité, je ne fermerais presque pas l'œil de la nuit. Non pas que les touches furent nombreuses, bien au contraire. Une vraie nuit de psychose à tendre l’oreille dans l’espoir d’entendre un mouvement de poisson quelconque mais quenenie, cette nuit fut stérile, pas le moindre bip, je me suis complètement foiré ! Quelle déception !

Le doute plane, c’est clairement le moment où il faut se reprendre en main et croire en ce que l’on fait. Un bon café avant de partir en direction du poste de jour pour distribuer une dernière ration de bille avant la pêche du lendemain. 

Il ne me reste que 2 nuits, 1 journée et 3 postes à pêcher. Pas le temps de psychoter, j’ai pas mal de marche pour rejoindre le prochain poste avec le matos et la météo reste très humide ce qui complique un poil le quotidien.

Le niveau d’eau ne cesse de monter, teintant de plus en plus la rivière. Je ne vois clairement plus les multiples herbiers du secteur et encore moins les petites trouées que j’amorce depuis quelques jours. Heureusement j’ai pour habitude de prendre des repères inflexibles et j’arriverais malgré tout à être pêchant toute la nuit. Au petit matin je comptabilise quatre touches, c’est pas mal mais en revanche pas l’ombre d’une miroire ou d’une vieille commune de caractère, il semblerait que je n’ai intéressé que des petites communes de passage cette fois ci.

“Time flies” comme disent les anglais et il est déjà l’heure de me rabattre sur le petit poste de jour. J’arrive un poil tard à cause de la circulation mais au moins il fait sec et la mise en place des 3 cannes se déroulent plutôt bien. La première touche ne se fait pas attendre et c’est déjà une petite victoire car j’ai toujours galéré à faire mordre les poissons de jour par ici.

Dès la prise de contact j’ai le feeling que je tiens au bout de la ligne ce que je suis venu chercher.

C’est effectivement une large femelle écaillée qui remonte après avoir maintenu le fond pendant de longues minutes. Je suis tout simplement heureux, c’est exactement le genre de poisson que j'espérais attraper sur cette eau.

Le reste de la journée me rapporte deux autres poissons plus modestes. De quoi être amplement satisfait. 

La nuit arrive à grand pas et il faut à nouveau prendre la route afin de rejoindre le dernier poste qui m’avait apporté une belle miroire lors de la nuit test en milieu de semaine.

A mon arrivée le vent est tombé, la surface de l’eau est lisse comme un cul (de qualité) et je capte direct qu’il y a du monde sur le coup. L'excitation est à son apogée, tous les espoirs sont permis.  Je dépose deux cannes le plus discrètement possible et commence à attendre patiemment au pied des cannes. La première touche ne survient que 20 min plus tard pour une nouvelle large miroire qui s’est visiblement gavée de bouillettes.


2h plus tard, une nouvelle touche me rapporte une nouvelle miroire encore plus grosse que la première … Je commence à faire des bons sur la berges car au risque de me répéter, c’est pas tous les jours dimanche par ici !


L’heure tourne et je peine à trouver le sommeil surtout lorsqu’une troisième touche m’apporte une longue miroire encore plus grosse que les 2 autres après un combat interminable.

 La fin de la nuit approche et une dernière touche survient, m’offrant une jolie commune pour couronner le tout.


L'heure est au café avant de tout jeter dans la bagnole et reprendre la route dans une atmosphère humide au fumet de poiscaille.

Un matin de plus avec cette banane fixée sur le visage. Le genre de matin ou l’état de fatigue est au-delà de l’appréciable. Ce genre d’état second, éphémère, qui entretient ce sentiment de plénitude tant recherché… Je devais reprendre la route mais je la prenais heureux en ayant l’impression d’avoir rechargé mes batteries pour m’attaquer de nouveaux à de grands espaces et ça tombait plutôt bien car sans le savoir j'allais m'attaquer à plus de 25 000 hectares d’eau quelques semaines plus tard, mais ceci est une autre histoire.

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